Le Catéchisme hindou Sivaïte

Chapitre Deux

1. Le Dharma

2. La bonne Conduite

3. Le saint Temple à Siva

Leçon 8

Lundi
Soirée en Famille
Gurudeva nous montre la valeur du dharma,
de la bonne conduite, et du divin temple.

Aspirant: Gurudeva, est-ce que le dharma restreint notre liberté personnelle? Pourquoi faut-il le suivre?

Gurudeva: Le dharma est une servitude, oui, mais une servitude désirable. Le dharma est le chemin suivant quoi on ne crée que des karmas favorables à l’épanouissement spirituel. L’adharma, au contraire, c’est l’absence de dharma, de guides, ou de servitude désirable, chemin que nous voulons éviter, bien sûr, parce qu’il nous expose à toute manière d’influences néfastes provenant du monde extérieur et du plan astral.

Le dharma qu’on a choisi, ou qui nous est donné, nous protège sur les plans physique, mental et psychique. Si vous n’avez pas encore choisi ou trouvé le vôtre pour cette vie, c’est bien: le fait de lire ces leçons, indique que vous êtes déjà bien parti pour le trouver. Ce sera par la grâce de Ganesha que, intérieurement à vous, votre dharma vous sera dévoilé. Vous constaterez bientôt que chacun doit découvrir le dharma qui lui est propre. Une fois qu’on l’a découvert, et qu’on le vit, il est facile au corps de l’âme resplendissant de pénétrer le corps physique. Etudiez bien le dharma, et tâchez d’en saisir la signification profonde.

Aspirant: Beaucoup considèrent aujourd’hui que le sens de devoir et de vertu font veillot. Que leur dire?

Gurudeva: Ce n’est que par la bonne conduite que nous cessons enfin de faire les sombres karmas qui reviendront inéluctablement sur nous, pour troubler nos esprits, nos émotions et le déroulement de nos vies.

Bien se conduire, c’est simplement vivre selon les règles. On ne pourra pas éviter tous les karmas malheureux, bien sûr, puisque nous sommes né avec une portion de dettes apportées de nos vie précédentes. Mais, assurément, nous ne voulons pas y ajouter! Comment faire? Obéissez tout simplement aux règles de la bonne conduite énumérées dans ces pages. Il ne suffira pas de les lire ou même les apprendre par c¦ur. Et il sera inutile de s’en servir pour juger les autres. Ce qu’il faut, c’est les mettre activement en pratique dans notre vie personnelle. Remarquez bien quels sont les éléments actifs qui façonnent votre caractère et votre vie. Commencez tout de suite à vous observer bien franchement. Notez les circonstances où vous pouvez vous améliorer, et puis, pendant une semaine, travaillez diligemment à agir en conséquence. Pendant un mois, chaque soir avant de vous endormir, relisez les yama et les niyama, et révisez votre journée pour juger dans quelle mesure vous avez réussi à les mettre en pratique. Cette simple discipline vous apprendra à bien surveiller vos pensées, vos paroles, et vos actions, et vous donnera un bon aperçu sur ce que peut être la vie contemplative.

Aspirant: Quel rapport y a-t-il entre le temple et la vie de tous les jours?

Gurudeva: La prochaine fois que vous allez au temple, chosissez consciemment quelque problème, situation difficile qui vous pèse, une blessure peut-être, ou un attachement débilitant, et placez-le mentalement aux pieds de l’image divine, tandis que vous priez d’en être délivré. “Voyez” en même temps la substance mentale, qui est le problème, se dégager de votre corps, et aller se fondre dans l’image.

Les devas savent, au moyen de rayons de lumière, anéantir la substance mentale qui nous tourmente, et effectivement “nettoyer” nos auras, intérieure et extérieure. Telle est la magie du temple. Essayez vous-même: la prochaine fois que vous éprouvez quelque pesanteur ou douleur mentale, rendez-vous au temple pour bénéficier de ses pouvoirs guérisseurs. Dieu et les dieux aiment à soulager les douleurs qui découlent de nos karmas, nouveaux et anciens. C’est parce qu’ils ont bien compris que le temple est la voie de communication entre Dieu et les hommes, que les Saïvasiddhantins en ont toujours construits et consacrés en abondance, faisant quoi, ils ont réussi à préserver leur précieuses connaissances jusqu`à nos jours. Notre religion nous somme d’assister au temple au moins une fois par semaine (outre les dévotions faites chez soi quotidiennement), d’aller en pélerinage à quelque temple lointain au moins une fois par an, et d’assister à autant de festivals au temple que possible, dont un minimum de trois chaque année, un chacun pour Siva, Muruga, et Ganesha. S’il n’y pas de temple où l’on vit, alors on doit tout de suite déménager ou bien se mettre à construire! Le sivaïsme repose entièrement sur ses trois piliers: son temple, son écriture sainte, et son satguru. Pour faire vivre la religion de Siva dans sa vie personnelle, le dévot doit profiter pleinement de ces trois trésors mis grâcieusement à sa disposition.

Sur cet océan colèreux, la vie,
je vogue, étourdi et stupide, et ne peux plus que
te prier, Seigneur de Vottiyur, de m’accorder
la volonté de rechercher ta grâce salutaire.

Onzième Tirumuraï

Leçon 9

Mardi
Le Dharma
Le dharma se divise en quatre sections,
dont la première désigne les lois de la nature.

Qu’est-ce que le dharma?
Dharma signifie à la fois: loi divine de Siva, ou loi de l’existence, et réalisation ordonnée d’une nature et d’une destinée inhérentes.

Quand Dieu Siva a créé le monde, il y a fait règner l’ordre, et établi les lois qui devaient tout gouverner. Cet ensemble de lois divines (ou cette loi divine) qui s’applique à tous les niveaux de l’existence, nous nommons dharma. Le dharma s’applique autant à l’ordre universel qu’à la religion et à la moralité, cette dernière servant à nous maintenir à l’unisson avec cet ordre universel. C’est dharma qui nous préserve, nous et notre position idéale dans cet univers complexe. Toute vie, toute société, possède son propre dharma, la loi qui gouverne son existence. Se soumettre au dharma, c’est exister en harmonie avec la Vérité qui forme et meut l’univers, c’est s’approcher bien près et tout naturellement de Dieu Siva. Par contre, quitter le sentier du dharma, épouser l’adharma, et se livrer à la luxure, la colère, et l’envie, c’est aller à rebours de la loi divine et s’éloigner de Dieu.

Quelles sont the quatre différentes sortes de dharma?
Il y a quatre sortes de dharma qui régissent quatre niveaux distincts de l’existence: le dharma universel, le dharma humain, le dharma social et le dharma personnel.

Même si on ne peut pas dire tout ce que dharma peut bien signifier, son sens et sa portée étant tellement vastes, il n’en est pas moins vrai qu’il influe sur chaque aspect de notre existence du plus superficiel jusqu’au plus profond, sur le plan physique comme sur le mental et le spirituel. C’est dharma qui fait les lois de la nature, qui fait vivre notre culture et transmet notre patrimoine spirituel. C’est dharma qui inspire la piété et la moralité, le sens du devoir et de la responsabilité. Et c’est lui qui nous mène, pas à pas, vers la connaissance de Dieu Siva. En Sanskrit, dharma universel se nomme ritadharma, dharma humain ashramadharma, dharma social varnashramadharma, et dharma personnel svadharma. Le paramaguru Siva Yogaswami nous a appris: “Nous sommes tous ouvriers de Siva. Le Soleil, la Lune, les étoiles, les devas, les asuras, et tous les êtres vivants travaillent un unisson avec la volonté divine de Siva. Le travail, c’est la religion. Fais ton travail, ton svadharma".

Qu’est-ce que le dharma universel?
L’ordre cosmique, ou loi divine telle qu’elle se manifeste partout dans le domaine physique, se nomme dharma universel, ou ritadharma.

Ritadharma nomme le principe universel et divin qui gouverne toute la nature, autant dans ses mouvements galactiques qu’en la vie de ses particules subatomiques, vaste concept qui, dans la pensée chinoise, se nomme Tao. Rita est à la fois notre destinée et le chemin qui nous y mène, à la fois la vie spirituelle et son objectif. Elle est l’intelligence qui régit la nature, la puissance cosmique qui ordonne et préserve l’univers. Gurudeva nous a dit: “Quand nos actions et nos pensées sont harmonieuses avec le dharma universel, ou la nature, nous percevons que l’homme en fait partie intégrante, qu’il ne lui est pas supérieur, et qu’il n’est pas fait pour la dominer. Le Sivaïte perçoit clairement qu’il a des devoirs envers elle, tout comme elle a des devoirs envers lui. Il sait, et n’oublie pas, que les éléments qui composent son corps physique sont empruntés à la nature, et qu’ils devront lui être rendus. Quel ordre impeccable nous voyons partout dans la nature! La noix de coco produira toujours un cocotier, et non pas quelque autre espèce. Et quelle complexité, et quelle immense variété! Jamais deux cocotiers ne seront parfaitement identiques. C’est parce qu’il comprend et apprécie ces choses, et qu’il sait qu’il fait partie intégrante de la nature, que le Sivaïte cherche diligemment à se mettre à l’unisson avec elle et avec l’ordre universel dont elle est l’expression".

Qu’est-ce que notre dharma humain?
Nous nommons dharma humain, ou ashramdharma, le développement naturel de l’esprit, du coeur, et du corps physique au cours des quatre périodes de la vie humaine: périodes d’étudiant, de maître de maison, de conseiller, et de religieux solitaire.

Ne néglige ni les Veda ni les sacrifices dûs aux dieux et aux ancêtres.
Traite comme Dieu même ton père, ta mère et tes invités.
Ne fais que ce qui est irréprochable.
Et vénère toujours les grands.

Taïttiriya Upanishad

Leçon 10

Mercredi
Le dharma gouverne toute vie,
soit-elle cosmique, humaine, sociale ou personnelle.
Trouver son svadaharma, sa destinée personelle,
c’est trouver enfin le contentment et la sérénité.

C’est en passant par les quatre ashrama, ou périodes de la vie, que nous accomplissons notre dharma humain le plus naturellement et le plus simplement possible. Les ashramas se comparent aux quatre périodes de la journée: le matin, le midi, l’après-midi, et le soir de la vie. Une fois l’enfance terminée et que nous avons reçu notre formation première, nous entrons dans le premier ashrama, où nous sommes étudiant. Pendant cette période de brahmachariya., qui s’étend généralement entre les âges de douze et vingt-quatre ans, nous développons les traits personnels, et apprenons le métier qui nous serviront plus tard. Lorsqu’on se marie et devenons grihasta, soit maître ou maîtresse de maison, on entre alors dans le deuxième ashrama. Les époux collaborent, entre les âges de vingt-cinq et quarante-huit ans plus ou moins, à élever leurs enfants, accumuler les biens dont ils ont besoin, continuer à s’instruire pour bien mener leur carrière, participer aux ¦uvres sociales, et pourvoir aux besoins de ceux qui vivent dans les trois autres ashramas. Une fois la famille élevée et qu’on se retire des affaires mondaines, on entre dans la troisième période de la vie, soit vanaprastha, où l’on est, entre quarante-neuf et soixante-douze ans, l’un des anciens de la communauté. La responsabilité principale est alors de faire part de notre expérience et sagesse aux plus jeunes, les guider et les conseiller. Et c’est après cette période, à soixante-douze ans, qu’on s’engage dans la quatrième période de la vie, sannyas (dont le dharma est différent de celui du moine qui est entré dans les ordres de sannyas). Ainsi, tandis que nos forces physiques diminuent, on se détache tout naturellement des soucis du monde, et on se tourne vers une discipline religieuse diligente qui consiste à étudier les saintes écritures, adorer Dieu, pratiquer l’austérité, la méditation et le yoga. Au cours des quatre étapes de notre dharma humain, donc, nous nous éveillons tout d’abord, nous prenons conscience de ce que la vie exige de nous (le matin de la vie), puis nous donnons pleine expression à ce que nous avons appris (le midi), ensuite nous réfléchissons sur ce que nous avons accompli et partageons la sagesse qu’on a bien pu gagner(l’après-midi). Enfin, on se retire du monde (le soir). Le dharma humain se détermine aussi par notre sexe et la décision prise étant jeune de se marier ou non. Le paramaguru Siva Yogaswami nous a appris: “C’est en vivant bien les quatre madam de brahmachariya, grihasta, vanaprastha, et sannyasa, que l’on fait le pélerinage".

Qu’est-ce que notre dharma social?
Nous nommons dharma social, ou varnashramadharma, l’ensemble des devoirs et responsabilités que nous avons envers notre pays, notre communauté, et notre famille.

Dans les anciennes sociétés hindoues de l’époque d’agriculture, le dharma se stipulait d’après la caste de l’individu, c’est-à-dire d’après la couleur de sa peau et son métier familial. Mais à présent, en cette époque de la technologie où les races humaines s’amalgament, la caste de l’individu se base non plus sur sa naissance, mais sur son niveau d’instruction, son métier, et sa compétence professionelle. Pour s’acquitter du dharma social, il suffit d’obéir aux lois du pays où nous vivons et d’accomplir nos devoirs envers communauté, famille, collègues, et amis. Les lois morales et religieuses qui s’étendent sur tous les apects de la vie font partie du dharma social. On ne peut trop insister sur ce fait: que la loi divine ne peut se manifester en notre vie de tous les jours qu’au moment ou on la respecte. Gurudeva nous a enseigné: “Le Sivaïte qui respecte le dharma social obéit aux lois du pays et de la communauté où il habite. Il ne s’avise pas de vivre d’après des principes personnels et hors-la-loi. Il cherche plutôt à satisfaire la loi divine en respectant les lois humaines en toute contrée où il puisse bien passer. Il sait trouver sa juste place parmi ses frères humains, ses compatriotes, les membres de sa communauté et de sa famille. Et il s’efforce toujours à se dépasser dans toutes ses entreprises, et à parfaitement accomplir son dharma dans tous les aspects de sa vie".

Qu’est-ce que notre dharma personnel?
Notre dharma personnel, ou svadharma, se détermine selon ces deux facteurs: 1) les dharmas universel, humain, et social tels qu’ils se présentent personellement à nous en cette vie présente, et 2) la totalité des karmas que nous avons accumulés au cours de toutes nos vies.

Chaque être humain possède son dharma individuel et personnel, son svadharma. La forme particulière de celui-ci découle de deux éléments: 1) de tous les karmas, bons et mauvais, que nous avons accumulés au cours de cette vie-ci et de toutes nos vies précédentes, et que nous portons aujourd’hui en forme de graine (c’est-à-dire qui n’ont pas encore germé ou porté leurs fruits), et 2) des trois dharmas--universel, humain, et social--tels qu’ils se manifestent à nous personnellement en cette vie présente. La fusion de ces deux éléments, nos karmas et les trois dharmas, produisent en totalité un dharma individuel, un chemin idéal à suivre, qui est uniquement le nôtre. Comment faire pour le connaître? C’est ici que tout se simplifie: il suffit d’invoquer le Seigneur Ganesha et de se soumettre à sa volonté divine. Ce grand dieu de la mémoire, du temps, et de la sagesse connaît toutes nos vies et nos actions antérieures, et est capable de nous communiquer quel est, dans cette vie et dans le moment, le chemin le plus propice, celui qui, plus aisément que tout autre, nous mènera en tranquillité, évitant doutes et conflits, vers un objectif profondément satisfaisant. Tels sont l’amour et la grâce de ce grand dieu. Gurudeva nous a appris: “Le dharma est à l’individu ce que la croissance normale est à la graine: la réalisation ordonnée d’une nature et d’une destinées inhérentes".

Puisque ce sont les pensées seules
qui perpetuent le cycle terrestre,
appliquons-nous donc à bien penser.
Telle est l’ancienne sagesse.

Maïtranya-Brahmana Upanishad

Leçon 11

Jeudi
La bonne Conduite
C’est en pensant bien, parlant bien, et agissant bien
qu’on eveille l’âme en nous.

En quoi consiste la bonne conduite?
Notre conduite est bonne lorsque nos pensées, paroles, et actions se conforment à la loi divine et qu’elles expriment la pureté innée de l’âme.

C’est à sa conduite qu’on reconnaît les qualités de l’individu. Lorsque le c¦ur et l’esprit sont épurés de bassesse, que les instincts sont tempérés et que la modération règne, c’est alors qu’on comprend bien la valeur du dharma, et que la bonne conduite se manifeste tout naturellement et spontanément. Le Sivaïte évite l’arrogance, étreint au contraire l’humilité. Il cherche à collaborer et rendre service plutôt qu’à contrarier. Il reconnaît avec joie les qualités de son prochain, et ne s’attarde pas sur ses fautes. Gurudeva nous a enseigné: “Les principes de bonne conduite doivent diriger toute notre vie. Nous devons chercher toujours à encourager et remonter notre frère humain plutôt que le blesser et l’abattre, exprimer amour et bonté, plutôt que rancune et méchanceté, manifester les belles qualités inhérentes à l’âme--la maîtrise de soi, la modestie, l’honnêteté--être le modèle, celui dont on recherche la compagnie, et non pas celui qu’on évite. Il n’est pas excessivement difficile d’atteindre à ces qualités. Elles se soulèvent d’elles-même chez celui qui pratique la vie religieuse sivaïte et se meut en bonne compagnie. On ne peut pas se dire bon dévot si on ne se conduit pas correctement, autant en son for intérieur que devant le monde". Et c’est le paramaguru Siva Yogaswami qui nous a dit: “Se conduire avec rectitude, c’est posséder la plus grande des richesses. La vertu doit être pour vous comme le bâton du montagnard: cela vous soutient toute votre vie, et on ne s’en sépare jamais".

Quelles sont les conséquences de la mauvaise conduite?
Tout simplement: lorqu’on pense, qu’on parle, et qu’on agit mal, on crée des karmas déplorables et bien de la souffrance, pour ses prochains autant que pour soi-même.

Suivre les bons principes, écouter sa conscience qui est la voix de l’âme clairvoyante, c’est acquérir et préserver équilibre, sérénité et satisfaction. Se soumettre au contraire aux exigences de l’esprit instinctif-intellectuel, sans aucun recours à l’esprit superconscient qui est l’intelligence de l’âme, c’est déclencher la souffrance. L’esprit superconscient, lui, nous instruit et nous inspire toujours en direction de la vertu. Et conversement, bien se conduire c’est permettre à l’esprit superconscient de fonctionner normalement, de tenir bien en main les rênes de l’esprit instinctif-intellectuel, et de modérer et modifier les transports de celui-ci. Car si on le laisse faire, ou s’il s’emballe, il risque fort bien de nous emmener par les sombres chemins du doute et du desespoir où Dieu paraîtra nous avoir abandonné. Gurudeva nous a appris: “Si on ne respecte pas les principes de moralité, alors c’est le chaos intérieur et la mésentente générale. On se met à chercher compagnie et confrères bien loin, certainement, des milieux sivaïtes, parmi les grossiers, les insoucieux, les avares, les démunis de la maîtrise de soi, et qui encore? Le saïvadharma et ses enseignements s’évanouissent de notre conscience, ce qui nous permet de fabriquer de tous nouveaux karmas dont on ne peut savoir les conséquences. A mesure que ceux-ci s’accumulent, ils voilent notre intelligence et on en arrive à oublier jusqu’au dernier de ces principes religieux salutaires qui guidaient et inspiraient autrefois notre vie. Le Sivaïte qui se trouve dans cette situation n’a qu’un moyen de s’en sortir: c’est de faire pénitence et se jeter aux pieds de Dieu et des dieux pour implorer leur grâce. Quoi qu’il arrive, nous aurons toujours ce réconfort: que les dieux sont compatissants et que Dieu Siva aime toujours ses enfants et ses fidèles".

Quelles sont les qualités principales?
Les quatre qualités principales sont: la pureté, la dévotion, l’humilité, et la charité, dont la première, la pureté, est la vertu cardinale.

La pureté ne nous est pas un étrangère, car elle est la qualité essentielle de l’âme. Gurudeva nous a toujours enseigné que la soi-disant pureté qui veut se mettre en vitrine, être reconnue, obtenir récompense, ne peut jamais être authentique. La vraie pureté, au contraire, est une disposition intérieure qui ne se fait pas remarquer. Nous la cultivons par la pensée et la parole, en ne faisant que ce qui est conçu avec amour, en renonçant à la colère et la vengeance, en suivant les principes de propreté et d’hygiène, et restant vierge jusqu’au mariage. Nous cultivons la pureté en recherchant toujours la compagnie des personnes honnêtes, et vivant une vie disciplinée. Quant à la dévotion, elle consiste en amour et dévouement envers Dieu Siva, envers les dieux et les saints de notre religion, et envers le guru, nos parents, collègues et amis. On cultive la dévotion en demeurant loyal et digne de confiance, en adorant Dieu, et restant toujours disposé à rendre service et être le véritable sivathondar.

L’impassibilité, c’est être égal devant plaisir ou douleur, ami ou enemi, bonne fortune ou mauvaise...
A celui qui, par amour de sagesse, se refuse les plaisirs sensuels, moksha viendra d’elle-même, même s’il ne la recherche pas.

Devikalottara Agama

Leçon 12

Vendredi
En matière de bonne conduite,
nos trois maîtres sont:
notre conscience, les bonnes fréquentations,
et les yamas et niyamas.

Lorsque l’âme est mûrie par la vie, qu’elle baigne dans la compréhension et la compassion, qu’elle exprime spontanément douceur, modestie, simplicité, révérence, et soumission, on peut bien dire alors qu’elle fait preuve d’humilité. Cette dernière qualité bien précieuse se cultive de diverses façons, en cherchant par example à comprendre toujours plus profondément les épreuves de la vie, plutôt que de se contenter de laisser réagir l’instinct, en recherchant la présence divine en tout être et en toute chose, et en faisant preuve de patience envers nos cironstances personnelles, et d’indulgence envers nos prochains. Quant à la charité, elle consiste simplement à éprouver davantage d’amour et d’inquiétude pour autrui que pour soi-même. Il est vraiment charitable celui qui donne de ses biens, de son temps, et de lui-même, toujours généreux, jamais avare, sans se soucier d’une récompense personnelle. Cette qualité divine se cultive en venant au secours des pauvres, des malades, des sans-abri, des vieillards et des malheureux.

Qui nous enseigne la moralité?
En matière de moralité, le premier maître sera toujours notre conscience. On peut également chercher conseil dans les pages des saintes écritures, auprès du satguru, des swamis, des aînés de notre famille, et de nos bons amis.

On ne peut jamais escamoter les lois divines, car elles font partie intégrante de nous-même. La mort même ne sait effacer l’effet de nos actions, et ce n’est que par la bonne conduite qu’on peut racheter les karmas malséants. Nous voyons donc combien il est important d’être bien instrui en matière de moralité. Nos meilleurs maîtres seront ceux dont la conduite est exemplaire. Ce sont eux que nous devons rechercher et écouter. L’¦uvre admirable, le Tirukural, est de loin l’écriture la plus édifiante qu’on connaisse. Tout Sivaïte se doit de la lire, la relire et tâcher, de jour en jour, d’en manifester la sagesse. Gurudeva nous a dit: “En cette époque de technologie, les sages ne jouissent que du seul pouvoir de donner conseil et montrer l’exemple. Nous devons les écouter attentivement, et user de notre sagesse personnelle quant à mettre leurs paroles en pratique. Il n’y a qu’un commandement: usez de votre sagesse en toute circonstance. Entretenez-vous avec les sages, posez-leur vos questions, réfléchissez à ce qu’ils disent, et que votre bon sens en soit le juge. La voix sonore de votre âme, votre conscience, vous laissera savoir ce que vous devez faire. On peut toujours compter sur ce guide savant et fidèle, son âme, car elle sait à l’avance la réaction qu’entraîne toute action. Ce n’est que lorsqu’on a compris le mécanisme subtil du karma qu’on peut apprécier ce bon et droit chemin qu’est le dharma. Et c’est alors qu’on s’évertue par tous les moyens possibles de ne plus jamais s’en éloigner".

Y a-t-il des règles à suivre en matière de bonne conduite?
Pour bien vivre notre vie, nous respections, outre les sages guides du Tirukural, les yama (restrictions) et les niyama (pratiques religieuses).

Les yamas et les niyamas, qui résument la sagesse accumulée pendant des millénaires de culture sivaïte, sont de simples conseils, non pas des commandements. Les yamas indiquent ce qu’il faut éviter, tandis que les niyamas énumèrent les pratiques et attitudes religieuses à respecter. Apprenez-les par c¦ur, pour qu’ils restent avec vous et vous reviennent à l’esprit quand vous en aurez le plus besoin.

YAMAS

Les Restrictions Sivaïtes

1. Evite toute violence, même par la pensée.

2. Ne vole pas, ne convoite pas.

3. Maîtrise tes désirs.

4. Renonce à la luxure et à l’avidité.

5. Restreins l’arrogance et la colère.

6. Ne te livre pas aux mensonges, aux fausses promesses, et à l’abus de confiance.

7. Abstiens-toi de l’injustice et de l’ivresse.

8. Abandonne sur-le-champ toute tendence immorale et mauvaise fréquentation.

NIYAMAS

Les Pratiques Sivaïtes

1. Cultive la pureté par la pensée, la parole, et l’action.

2. Aime ton prochain.

3. Recherche la tranquillité et la satisfaction.

4. Cultive la piété par la dévotion et la méditation quotidiennes.

5. Sois indulgent et constant dans l’adversité.

6. Donne la dîme, sois généreux et désintéressé.

7. Lis et relis les saintes écritures.

8. Adonne-toi de temps à autre à la pénitence, à l’austérité, et au sacrifice.

Se garder des pensées impures, voilà ce qu’est la vertu.
Tout le rest n’est que vanité...
La vertu apporte gloire et prospérité.
Qu’y a-t-il donc de plus précieux?

Saint Tiruvalluvar

Leçon 13

Samedi
Le saint Temple à Siva
C’est au temple que l’homme peut
consciemment communier avec Dieu et les dieux.

Quelle est l’importance du temple à Siva?
Il n’existe aucun lieu aussi saint que le temple à Siva, car il est la demeure de notre Dieu suprême, et l’endroit le plus favorable à la communion entre les trois mondes.

La religion sivaïte repose toute entière sur trois piliers--ses temples, ses saintes écritures, et ses satgurus--qui contiennent et préservent chacun toute l’ancienne sagesse. Pour cette raison, nous vénérons ces trois piliers de notre religion. Nous vénérons tout temple à Siva, car nous y reconnaissons, qu’il s’agisse d’un simple sanctuaire de village ou d’un vaste complexe aux tours imposantes, la demeure consacrée de notre Dieu suprême. C’est en ce lieu saint que nous trouvons refuge et que nous nous rapprochons bien près de lui. Il est vrai que Dieu existe partout et en toute chose, mais il est également vrai que c’est en cet endroit qu’on pourra le plus facilement éprouver cette vérité. De même, les trois mondes coexistent en tout lieu, mais c’est dans l’atmosphère purifiée du temple à Siva qu’ils réussissent le mieux à communier l’un avec l’autre. Et c’est pour cette raison que le dévot y vient régulièrement pour y établir un rapport de plus en plus intime et vigoureux avec les êtres célestes. Gurudeva nous a enseigné: “Le Seigneur Siva a établi de nombreux temples à travers le monde pour y faire part de son amour à ses enfants. Il l’a fait à dessein, car ses enfants, répandus aux quatre coins du monde, ont grand besoin de son amour omniprésent. Ils bâtissent des temples en son nom, y installent son image, et chantent ses louanges pour y invoquer sa présence. Le Seigneur Siva accepte l’invitation, et envoie son rayon pour en faire un temple vivant, rayon ou shakti d’amour intarissable qui brille au c¦ur de toute vie. Lorsque ce rayon se met à emplir le sanctum sanctorum, ou garbagriha, et à pénétrer le monde, les dévots sivaïtes reconnaissent qu’ils se trouvent en effet en un lieu des plus sacrés, où Dieu et les dieux ont établi contact avec eux".

Les temples à Siva, par qui sont-ils fondés et construits?
C’est Dieu Siva lui-même quil établit son temple et fait part de son projet à l’un de ses fidèles, souvent par une vision ou dans un rêve. Ce sont ensuite les artisans spécialisés qui bâtissent le temple, suivant généralement à la lettre les lois des Agamas.

Les temples à Siva sont rarement conçus ou fondés par des hommes. Le plus souvent, ils sont établis par Dieu Siva qui fait part de son project à l’un ou plusieurs de ses fidèles. Une fois qu’on a trouvé le site qu’a désigné Siva, on engage des stapathi, des artisans spécialisés dans la construction des temples, dont la tradition se préserve et se transmet sans interruption de père en fils depuis des siècles et des millénaires. Aucune pierre ne sera mise en place, si ce n’est selon les principes d’architecture sacrée des Agamas. Une fois construit, et après la consécration, respectant toujours minutieusement les formes traditionelles, la bâtisse se transforme en véritable temple, un lieu sur cette Terre où les trois mondes arrivent à communiquer clairement et à collaborer pour édifier la race humaine et exaucer la loi divine. Cette voie de communication s’établit grâce au merveilleux rayon psychique qui passe, une fois le temple consacré, par le garbagriha et qui le relie au Troisième Monde. En un lieu à ce point purifié, notre Seigneur qui est la source même de toute sainteté, peut bien venir se manifester.

Quand est-ce que nous devons aller au temple?
Nous allons au temple à chaque fois que nous éprouvons le besoin de communier avec Dieu Siva, et surtout le vendredi, pendant les festivals, et au jour le plus saint de l’année: Mahasivaratri.

Les Sivaïtes estiment qu’il est très important de vivre près d’un temple à Siva, car c’est autour de celui-ci que toute leur vie religieuse gravite. Et c’est pourquoi, partout où ils se trouvent, ils érigent des temples. Ils le font aussi parce qu’ils savent que cet acte charitable et méritoire portera ses fruits dans la vie présente et même dans les vies futures. On va au temple n’importe quel jour de la semaine, sauf, pour les femmes, au moment de leurs règles. Nous y allons chaque vendredi, et surtout à la période des festivals, lorsque la shakti atteint à son apogée. Si l’on est très dévoué, on s’y rendra tous les jours pour y assister au puja, la sainte cérémonie. Et, sans exception, tous les Sivaïtes s’y rendent pour la nuit de Mahasivaratri, le moment de l’année le plus sacré à Siva. Le paramaguru Siva Yogaswami nous a enseigné: “Levez-vous dès l’aube, lavez-vous les mains et les pieds. Allez au temple pour y adorez les saints pieds de Siva. C’est vertu. C’est bonne conduite. C’est rituel sacré".

Quelles sont les activités qui se déroulent au temple, et comment s’y conduit-on?
Au saint temple à Siva, on peut assister à des activités très diverses, à des cérémonies, par exemple, simples ou détaillées, ordinaires ou exceptionnelles, destinées à une foule, une famille, ou un individu. Mais nos dévotions sont toujours personnelles, même si les gestes extérieurs sont traditionels.

C’est lorsqu’on a cessé d’adorer Siva dans son temple
que le mal afflige le souverain,
que les pluies font défaut,
que le vol et la corruption font ravage.
Ainsi a dit mon divin Nandi.

Saint Tirumular

Leçon 14

Dimanche
On respecte les coutumes du temple
qui, chacune, a son sens.
Le temple favorise toutes les experiences religieuses,
y compris la plus haute contemplation.

Avant d’aller au temple, on se baigne un peu plus soigneusement que d’habitude, on met des habits propres, et on prépare une offrande: quelques simples fruits ou fleurs suffiront le plus souvent. On commence alors à diriger l’esprit vers les saints pieds de Dieu, en chantant des cantiques tout bas ou à haute voix. Arrivé au gopuram, l’entrée surplombée parfois d’une tour colossale, on laisse de côté ses chaussures et on entre. On invoquera tout d’abord la bénédiction de Ganesha à quelque autel ou sanctuaire rattaché au temple principal. Puis on fait, dans le sens des aiguilles d’une montre, le tour de la cour intérieure, on se rinse les mains, les pieds, et la bouche. Les hommes et les garçons ôtent leurs vêtements supérieurs. Et enfin on entre dans le temple même. Après s’être prosterné devant le kodimaram, ou mât du temple, on s’approche du garbagriha, le sanctuaire où se situe l’image divine. On en fait le tour (pradakshina), généralement trois fois, ou une seule fois, ou encore cinq, sept ou davantage, mais toujours en un nombre impair. Puis nous revenons à l’entrée du sanctum pour assister au puja. On reste généralement debout, les palmes des mains jointes en namaskaram. Mais, selon la coutume locale, il se peut qu’on s’assoie et qu’on chante des devaram ou bhajan (cantiques et chants). Après l’arati (offrande de la lumière), où les prêtres passent le camphre allumé devant Dieu ou le dieu, on se prosterne et puis on reçoit, dans la main droite toujours, les prasadam ou substances bénites. Une fois la cérémonie terminée, on reste quelque temps assis tranquillement à contempler Dieu, ne serait-ce qu’une ou deux minutes. On se prosterne, on fait encore une fois le pradakshina, et puis on s’en va. Le plus souvent, le puja se célèbre sept fois par jour, à 5h, 6h, 9h, 12h, 18h, 20h, et 22h. Outre ces cérémonies quotidiennes, une immense variété d’évènements peut se produire au temple typique. On peut y assister à des noces, des visites de pélerins, des sermons ou discours philosophiques, repas pour les pauvres, heures de bhajans, devarams, ou autre expression culturelle, et nombre d’activités qui se rattachent au festival annuel du temple. Ce festival annuel dure géneralement dix jours et gravite autour de l’une ou l’autre des grandes fêtes de l’année, chaque temple choisissant sa fête particulière. Presque tous les temples hindous participent à cette coutume.

Qui sont les prêtres?
Les prêtres sont des hommes mariés qui prennent soin du temple, et célèbrent les diverses cérémonies.

Chaque temple possède son prêtre (pujari), ou ses prêtres. Tandis qu’un seul siffira à certains temples, d’autres temples aux multiples sanctuaires et aux nombreux festivals se verront obligés à en embaucher des centaines. Les prêtres principaux sont presque toujours mariés et de la caste des brahmanes, quoique souvent, leurs aides sont célibataires ou veufs. Le prêtre doit savoir tous les éléments d’un liturgie fort détaillée et complexe, connaître par c¦ur des centaines de chants, invocations, et mantram en Sanskrit. Il a généralement appris son métier dès sa plus tendre enfance sous la tutelle de son père, qui, lui tient aussi le métier de son père. Ainsi cette profession est une ancienne et vénérable tradition mystique qui se transmet de génération en génération. Le prêtre n’est pas un conseiller ni un pasteur, c’est-à-dire qu’il ne s’insère pas dans la vie personnelle des dévots. Il demeure le simple serviteur de Dieu, dont il garde et entretient la demeure.

Est-ce que le temple et la dévotion sont réservés aux âmes jeunes et à ceux qui poursuivent chariyamarga et kriyamarga?
Non, au contraire, le temple existe et fonctionne pour toutes les âmes, quelle que soit leur évoluiton. De plus, notre dévotion s’approfondit à mesure que nous nous épanouissons.

On n’évolue jamais au point de ne plus avoir besoin du temple. A mesure que nous grandissons spirituellement, nous éprouvons de plus en plus profondément les effets du temple. Au début, sur le chemin de chariya, nous n’allons au temple que par devoir, parce que nous y sommes obligés. Mais à l’époque de kriya, c’est par amour de Dieu que nous y allons. Et lorsque l’âme poursuit yoga, elle adore Dieu intérieurement, dans le sanctuaire du c¦ur. Mais même pour le yogi accompli, qui sait s’insérer à volonté dans les profondeurs superconscientes, le temple ne lui est pas indifférent. Quand il retourne à son état de conscience ordinaire, il n’éprouvera pas d’interruption dans sa dévotion, car le temple--la demeure de Dieu sur ce plan terrestre--est toujours là à l’attendre et lui offrir l’hospitalité divine. On trouve au temple le simple bhakta tout comme le jnani, adorant Dieu Siva côte à côte, puisant chacun à la source de la spiritualité selon sa capacité personnelle. Le paramaguru Siva Yogaswami nous a appris: “C’est la dévotion seule, sivabhakti, qui bénit l’homme. Tout le reste est vanité. Adonnez-vous donc, et sans cesse, au sivadhyanam. Méditons, et méditons encore pour éliminer les bassesses et monter vers la Réalité divine".

C’est toi que nous prions de connaître,
Souverain des souverains,
le plus éclatants des célestes,
Maîtres des maîtres, et Très-haut.
C’est toi que nous prions de connaître,
ultime Objet de nos dévotions,
Seigneur de l’univers.

Svetasvatara Upanishad